• Apparition du royaume d'Austrasie (19 septembre 2011)

    Sainte Glossinde n'est plus en odeur de sainteté à la mairie

    Bardé de certitudes

    Colette Baudoche

    Apparition du royaume d'Austrasie (19 septembre 2011)

    La Lorraine, Gabriel Henriot, 1923

    Parmi les descendants de Clovis, ceux qui règnent sur la Lorraine possèdent toute la partie orientale de la Gaule et font de Reims leur capitale. Pendant un demi-siècle (511-561), l'histoire de notre région ne présente rien d'original, sinon la revanche des peuples occidentaux sur les germains, avec les expéditions de Thierry et de Clotaire en Thuringe et contre les Saxons ; une alliance est conclue entre les Bavarois et les Francs ; les conquêtes des fils de Clovis commencent l'histoire de l'Allemagne.

    Mais, pendant la seconde moitié du VIe siècle, 561 à 613, une femme fait de Metz la capitale des Francs de l'Est, de l'Austrasie, comme on dira au VIIe siècle ; cette femme domine toute la politique, si trouble et si tragique, de cette époque barbare, où les intrigues, les assassinats et les guerres civiles affaiblissent peu à peu la dynastie mérovingienne.

    Sigebert, montré sur le trône avec ses frères en 561, à la mort de Clotaire, avait eu pour sa part l'est de la Gaule et, comme ses prédécesseurs, avait fait de Reims sa capitale, quand il résolut de se marier avec une fille de roi, contrairement à ses frères qui ne répugnaient pas à des unions ancillaires, comme Chilpéric avec la servante Frédégonde. La cour des Wisigoths brillait alors d'un vif éclat ; ces barbares, en minorité parmi les riches populations latines su sud-ouest de la Gaule et du nord de l'Espagne, avaient prit les moeurs des vaincus et leurs rois régnaient à Tolède, avec le luxe et l'apparat des empereurs romains. Séduit par ce qu'il savait et jaloux de fonder, lui aussi, une cour brillante, Sigebert fit demander au roi Athanagilde la main d'une de ses filles, dont la beauté, la grâce et l'éducation étaient réputées : Brunehaut quitta les pays du soleil pour le rude climat de la Lorraine ; mais elle apportait avec elle le charme de la culture latine et l'éclat de la civilisation romaine ; cette jeune fille, timide et dépaysée d'abord au milieu d'une cour barbare, ne devait pas tarder à imposer sa supériorité intellectuelle et à affirmer son énergie, sa persévérance, l'habileté de sa politique, et toutes les qualités auxquelles on reconnaît les hommes d'Etat.

    Le mariage fut célébré à Metz, avec un éclat inaccoutumé, et, premier écho de la renaissance intellectuelle, le poète Fortunat fit un épithalame pompeux, en l'honneur de la "nouvelle perle mise au monde par l'Espagne"; toutes les divinités de l'Olympe venaient à la rescousse, dans les vers de cet incorrigible flatteur.

    Metz s'affirmait comme capitale quand, au cours d'une lutte fratricide, Sigebert, ayant vaincu Chilpéric, fut assassiné à l'instigation de Frédégonde. Brunehaut et ses filles furent emmenées en captivité et ce fut son fils, Childebert un enfant de cinq ans, qui devint le roi d'Austrasie et l'enjeu des factions.

    La reine Brunehaut.- Brunehaut ne se laissa pas abattre par l'adversité : elle séduisit Mérovée, le fils de Chilpéric, qui la fit évader de sa prison de Rouen et elle revint en Austrasie, au moment où l'aristocratie et le parti dévoué à la suprématie royale allaient en venir aux mains. Elle affirme de suite son autoritarisme et, pour chercher un appui à son fils, elle négocie avec Gontran, roi des Burgondes, l'entrevue de Pompierre (577), sur les bords du Mouzon, non loin de Neufchâteau. Après maintes péripéties, elle soulève le peuple contre la domination des seigneurs et est peut être l'instigatrice du meurtre de Chilpéric, assassiné en 584. De nouvelles révoltes des grands sont sévèrement réprimées : l'un d'eux, le duc Gontran-Boson, est livré à son ennemi le roi Gontran. Un autre, Magnovald, est mandé au palais de Metz ; admirablement reçu par le jeune roi Childebert, il assiste d'une fenêtre à la lutte d'une bête fauve contre une meute de chiens, spectacle alors fort à la mode ; Magnovald riait à gorge déployée, devant ce tableau bien fait pour réjouir un barbare, quand un serviteur du roi, qui se tenait derrière lui, fit sauter sa tête d'un coup de hache. Un autre, le duc de Rauching, également convoqué à Metz au moment où il fomentait la révolte, est assailli à la sortie des appartements du roi et des esclaves lui fracassent la tête "en si menus morceaux que ce ne fut plus qu'une bouillie semblable à de la cervelle".

    Un nouveau pacte, conclu à Andelot (587) avec le roi Gontran, porte le dernier coup à l'aristocratie rebelle. Deux hommes féroces, Ursion et Berthefried, qui avaient pris la tête du mouvement, sont cernés par une place forte, le "Castrum Vabrense". Le premier y est massacré sur l'autel d'une basilique consacrée à saint Martin ; le deuxième, qui avait pu s'enfuir et trouver un asile chez l'évêque de Verdun, saint Airy, est poursuivi et tué dans l'oratoire du palais épiscopal.

    Brunehaut avait remporté la victoire ; elle régnait en paix sur la Bourgogne et sur l'Autrasie, sous le nom de son fils, quand celui-ci mourut, en 596, âgé seulement de 26 ans ; l'année d'après, la rivale et l'ennemie de Brunehaut, Frédégonde, mourait à son tour, après une existence tourmentée et remplie de crimes. Il semblait que Brunehaut allait régner paisiblement, au nom de ses petits fils, surtout après la victoire de Dormelles (600), remportée sur Clotaire II qui avait tenté de conquérir l'héritage de Childebert. Mais les grands d'Austrasie tentèrent à nouveau de secouer le joug et Brunehaut dut se réfugier en Bourgogne, auprès du roi Thierry, son petit fils, qu'elle poussa à combattre son frère Théodebert, roi d'Austrasie. Après plusieurs années d'atermoiements, la guerre fratricide éclata enfin (610) ; Thierry s'avança le long de la Meuse, jusqu'à Toul dont il s'empara ; et, sous les murs de la ville, il livra une terrible bataille à son frère, qui, vaincu de nouveau à Tolbiac (612), fut fait prisonnier et mis à mort à Châlon-sur-Saône ; il laissait un jeune garçon, du nom de Mérovée : un guerrier bourguignon prit l'enfant par les pieds et, lui écrasant la tête contre un rocher, en fit jaillir la cervelle.

    La victoire de Brunehaut devait être sans lendemain ; Thierry mourut jeune, épuisé comme tous ces derniers descendants d'une race abâtardie et les seigneurs d'Austrasie, avec une inlassable énergie, se préparèrent à reprendre la lutte. A leur tête, se trouvaient deux hommes de valeur le maire du palais, Pépin et l'évêque de Metz, Arnoul, son frère, tous deux ancêtres des Carolingiens et les plus anciens membres connnus de cette royale et impériale famille. Brunehaut, qui s'avançait pour les combattre, fut trahie par les seigneurs burgonds et les Austrasiens, qui avaient appelé Clotaire II à leur secours, s'emparèrent de la vieille reine, dont on connaît l'horrible supplice.

    Fin tragique d'une destinée qui apparaît glorieuse, malgré tant de sang versé, dans cette sombre époque de guerres civiles, de brigandages, d'épidémies et de misère. C'est un des épisodes de la lutte, souvent renouvelée depuis, entre le pouvoir royal et l'aristocratie ; mais c'est aussi, de la part de la reine, une tentative d'organisation régulière d'un royaume franc : Brunehaut a essayé de percevoir régulièrement les impôts, de les répartir équitablement pour soulager les pauvres, d'instaurer une administration stable, de rendre la justice d'une façon moins sommaire et moins arbitraire, de réparer et entretenir les anciennes routes et même d'en créer des nouvelles : le souvenir de ces derniers travaux est resté dans le nom de chaussées Brunehaut ou chaussées de la reine, donné à d'anciennes voies gallo-romaines ; la légende, qui dans ces temps reculés se confond souvent avec l'histoire, lui a attribué la construction de nombreux châteaux, tel le château de Brunehaut, qui ne date pas de cette époque, sur la colline de Vaudémont.

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